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Jean Pierre Lavorato

- Né le 30 juillet 1944 à Viry-Châtillon
- Grade : 10ème dan de Karaté
- Expert fédéral depuis 2001
- Style : Shotokan Kase Ryu
- Débuts : 1962
- Taille : 1,75 m

Palmarès :
Champion d'Europe par équipes 1966.
Champion de France toutes catégories 1968.
Entraîneur de l'équipe du Takushoku Vincennes championne de France combat en 1973.

Il a débuté le Karaté en 1962, s'est entraîné chez Henry Plée avec les pionniers, est parti au Japon en 66, puis a sévi en équipe de France avec les Valera, Baroux, Setrouk and Co. Aujourd'hui, à 78 ans, Jean-Pierre Lavorato appartient au cercle très fermé des plus hauts gradés français, les 10e dan. Histoire d'une passion qui ne s'est jamais éteinte.

Le personnage est sympathique, bon vivant, rigolard. Mais on sent tout de suite qu'il ne faut pas le titiller trop longtemps. Jean-Pierre Lavorato est un homme de caractère, un passionné aussi : pour le Karaté. Si les années ont adouci un tempérament fougueux, - bien qu'il précise, dans un éclat de rire, "qu'on peut chasser le naturel, il revient au galop" -, elles n'ont pas altéré cette passion qui le dévore depuis 59 ans, depuis un jour de 1962 où son professeur d'éducation physique, en banlieue parisienne, lui demande s'il a envie d'essayer le Karaté. Jean-Pierre Lavorato a alors 18 ans.
"En fait, il l'a demandé à tous ses élèves ; tout le monde a dit oui, mais le samedi matin, je me suis retrouvé tout seul ! J'ai commencé le Karaté en short et T-shirt. C'était difficile de trouver un Karatégi à l'époque. Le sport populaire, c'était le Judo."
II trouve rapidement son "Teki", les premiers kimonos importés du Japon qui ressemblaient à "des pantalons pour aller aux crevettes". En six mois, avec un entraînement quasi-quotidien, il obtient sa ceinture marron. Puis son professeur, lui-même élève de Plée et d'Oshima au fameux Dojo de la Montagne Sainte-Geneviève à Paris, décèle un certain talent chez Jean-Pierre Lavorato et lui propose de venir s'entraîner avec les pionniers du Karaté français.

PAS QUESTION DE FAIRE SEMBLANT

"L'ambiance était extraordinaire. Il n'y avait que des passionnés, des gens sincères dans leur travail. Qui que vous ayez en face de vous, débutant ou ceinture noire, il fallait ouvrir l'oeil. A cette époque, les coups étaient appuyés. Les anciens se faisaient la main sur les jeunes (rires). C'était un monde multiculturel, où un tas de karatékas d'horizons différents se rencontraient. Il y avait vraiment l'esprit Karaté-Do. Comme la compétition n'était pas développée, ou peu, les gens pratiquaient pour eux. Je garde des souvenirs extraordinaires de cette période."

En 1966, il intègre l'équipe de France d'alors. Avec notamment Valera, Setrouk et Sauvin, il remporte la Coupe internationale de Cannes, une compétition de référence dans les années 60. Lui-même termine troisième en individuel. "Les combats n'avaient rien à voir avec ceux d'aujourd'hui. On pratiquait un Karaté beaucoup plus raide, plus statique, plus linéaire. On travaillait en force. Je me souviens d'un des premiers grands stages de Karaté organisés en France, à Saint-Raphaël (en 1966). Avec Dominique (Valera, son ami depuis 55 ans), on s'est vraiment défoncé. Il n'était pas question de faire semblant. Aujourd'hui, si on s'entraînait de la même façon, je crois que l'on n'aurait personne. Mais il ne faut pas faire de comparaison entre aujourd'hui et hier. Les mentalités ont changé. À l'époque, il n'y avait pas beaucoup d'enfants et la compétition était accessoire."

LE JAPON, LA TERRE PROMISE

Toujours la même année, en 1966, il participe à l'une des épopées de l'histoire du Karaté français : l'expédition au Japon avec les frères Baroux, Valera, Setrouk, Nanbu, Ficheux. "Un voyage fabuleux ! On s'était cotisé pour acheter une traction familiale", se souvient Jean-Pierre Lavorato, "on a dû traverser la Tchécoslovaquie, la Pologne et l'URSS en pleine guerre froide. Puis on a eu des problèmes mécaniques. On a essayé de réparer, mais on a fini par abandonner la Traction sur la Place Rouge."

Avion vers les plaines d'Asie centrale, puis Transsibérien pour traverser l'URSS et enfin deux jours et demi de bateau pour rejoindre Yokohama et le Japon. "Pour nous, c'était la terre promise", rappelle-t-il. Pendant trois mois, Lavorato et ses compagnons vont visiter les différentes écoles de Karaté, regarder, écouter quand les Japonais le veulent bien, rencontrer les grands maîtres. "Nous étions parfois accueillis à bras ouverts, mais aussi parfois vraiment déçus par l'accueil froid que l'on nous réservait. Nous étions venus mettre nos tripes à l'air pour nous entraîner, pour progresser, pour être au contact de karatékas de haute valeur, pour apprendre. Nous avions du mal à accepter cette façon de nous recevoir. Mais certains ont été très gentils, comme Oyama, qui nous a invités à manger pendant les quatre jours où nous sommes restés."

Les rencontres et les entraînements se sont succédés, avec de grands maîtres du Shotokan, avec des senseï pratiquant d'autres styles. Parfois, ils sont testés par les combattants japonais. Les six heures d'entraînement quotidien en France leur sont alors très utiles. Moins techniques, ils compensent par leurs qualités physiques. "On prenait tout ce qui passait à portée de main. On a pu découvrir une autre orientation de travail."

MAÎTRE KASÉ, UNE RENCONTRE CAPITALE

Durant ce séjour, Jean-Pierre Lavorato fait une rencontre capitale pour son avenir, le "grand truc de (sa) vie" : Maître Taïji Kasé, dont le discours modifie sa façon de concevoir le Karaté. L'année suivante, le maître japonais vient dispenser un stage chez Henry Plée. Jean-Pierre Lavorato est définitivement conquis. "Ce fut le révélateur de mon Karaté : le déplacement, les esquives, les pivots, l'idée du combat pur et simple. C'est vraiment à ce moment que j'ai mordu à l'hameçon.
Dès lors, Jean-Pierre Lavorato modifie son approche. Il continue tout de même la compétition jusqu'en 1970. Il gagne entretemps le Championnat de France 1968 (poule unique à l'époque), où il bat Valera, Didier, Saïdane et Baroux ! "Le soir, Dominique est rentré pieds nus à Lyon car il ne pouvait plus mettre ses chaussures à cause des coups. Moi, je me moquais de lui, mais le lendemain, j'étais pareil. Je suis resté plusieurs jours en charentaises", rigole-t-il. Mais le virage est pris. Il veut désormais explorer d'autres formes de Karaté-Do. En 1970, il crée son club, à Vincennes, qui est toujours aujourd'hui l'un des plus grands de France sous la direction de Christian Tissier. Son dojo devient bientôt le point de ralliement des plus grands karatékas de France. "On n'a jamais joué aux senseï. On était une bande de copains qui se retrouvaient pour s'entraîner. C'est plus important de s'entraîner que de jouer au senseï." Sous sa coupe, ses élèves deviennent champions de France combat en 1973 (Berthier, Clause, Cochy, Morel, Babille).

PAS UN SEUL JOUR SANS SON KARATÉGI

Lui continue sa quête, poursuit sa recherche sur le Karaté. En 1980, il part s'installer à Fréjus. Cours et stages ponctuent depuis son quotidien, sans se lasser un instant. "Je suis un vrai passionné. Je ne me vois pas un seul jour sans mettre mon Karatégi. Il faut que je m'entraîne. C'est un besoin. J'essaie toujours de progresser.

Le Karaté-Do et la vie, c'est la même chose. Tout le monde peut progresser et celui qui n'essaie pas est, je crois, un idiot. Le Karaté est une continuité, une marche en avant. Quand poser son appui ? À quel moment doit-on placer la respiration ? Dans quel temps la hanche doit passer... Il y a plein de facteurs de recherche."

Aujourd'hui 10eme dan, Jean-Pierre Lavorato est également expert auprès de la Fédération française. Et enfile toujours le karatégi tous les jours. "Dès que je le mets, je ne suis plus le même homme." Et quand il est couplé avec les retrouvailles avec ces vieux copains, le plaisir est d'autant plus intense. "C'est toujours avec plaisir que je rencontre les anciens. J'ai un élève de 61 ans et un autre de 80 ans, fabuleux, qui m'ont connu ceinture blanche. Hier, c'étaient eux qui m'entraînaient ; 40 ans après, c'est moi. C'est marrant, non ?

Le Karaté a changé dans beaucoup de domaines. Moi, je continue ma vie de pratiquant."

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